Réfléchir ensemble à ce que signifie être humain au temps des neurosciences et de l’intelligence artificielle
Compte-rendu de la soirée débats du 21-02-2023 sur le thème de l’éducation à l’UCLy dans le cadre du projet NHNAI
Qu’est-il souhaitable d’automatiser dans l’éducation ? Quelle fonction éducative est exclusivement humaine ? Quel humain souhaite-t-on éduquer ? C’est notamment sur ces questions et sur bien d’autres sujets concernant les défis de l’intelligence artificielle (IA) et des neurosciences (NS) dans le champ de l’éducation, que des citoyens et citoyennes sont venus débattre et discuter à l’Université Catholique de Lyon le 21 février 2023 dans le cadre du projet NHNAI. Voici un court résumé de ce qu’il est ressorti de ces premières discussions.
Que penser du libre-arbitre à l’ère des neurosciences et de l’intelligence artificielle ? Si le libre-arbitre désigne la capacité à dire « non », alors l’intelligence artificielle semble entraver cette possibilité. Il est souvent délicat de s’affranchir de tout ce que les systèmes d’IA nous suggèrent (on peut penser aux techniques marketing comme l’hyperpersonnalisation, et toutes les techniques de recommandation…). En effet, à quel point est-on encore libre de nos choix, si ceux-ci sont constamment influencés par des algorithmes ? Néanmoins, ne pourrait-t-on pas faire en sorte que l’IA puisse au contraire nous aider à penser, en nous amenant de la pluralité, en nous éveillant à la diversité ? Au lieu de nous enfermer dans une bulle et dans une seule possibilité, la pluralité est ce qui nous amènerait du doute et de la réflexion. Une manière de favoriser et renforcer le libre-arbitre à l’école est aussi d’apprendre aux élèves à décortiquer l’information face au phénomène de la désinformation que rends possible les réseaux sociaux, et de leur expliquer ce qu’il y a « sous le capot » de l’IA. On retrouve ici un enjeu éthique essentiel : l’explicabilité, c’est-à-dire, la capacité à pouvoir expliquer et rendre intelligible le fonctionnement et le cheminement d’une machine. L’IA n’a en effet aucune intelligence, elle possède uniquement une capacité de mémoire et de calcul certes phénoménale, mais ne possède pas la capacité réflexive qu’a l’humain. L’IA, c’est une relation de soi à soi, car il n’y a pas d’autres personnes en face de nous, à la différence du contact avec l’éducateur. L’éducateur, contrairement à l’IA, peut et doit transmettre la passion, éveiller la curiosité, développer l’esprit critique et stimuler la créativité de façon à amener vers l’autonomie et la liberté. Mais comment éduquer un humain à la liberté tout en contribuant aux besoins sociétaux ? L’individualisation de notre société, qui pourrait permettre un encadrement plus personnel à l’avenir, pourrait aussi contrecarrer le vivre ensemble. Comment faire la balance entre les besoins économiques et sociétaux et le développement personnel ?
Ensuite, il semblerait plus que souhaitable d’ajouter les apports des neurosciences/sciences cognitives à l’école étant donné que les connaissances neuroscientifiques permettent aujourd’hui de mieux comprendre les raisons pour lesquelles un jeune élève a des problèmes d’apprentissage. Notamment, les neurosciences ont permis de mettre en évidence que si un enfant, en étant nourrisson, est constamment soumis à un stress environnant, les zones cérébrales qui vont lui servir à l’apprentissage par la suite seront sous-développées et l’enfant présentera des difficultés d’apprentissage. Une éducation ne peut donc se faire qu’avec une bienveillance intelligente, celle qui cherche à comprendre une situation pour aider. De plus, les avancées neuroscientifiques permettent aussi de mieux comprendre aujourd’hui certaines pathologies sous-jacentes à ces difficultés d’apprentissage, c’est notamment le cas des syndromes dys (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dysphasie…), du TDAH (trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité) etc. Mais le diagnostic présente l’ambivalence et l’ambiguïté d’être à la fois source de discrimination et d’enfermement dans une case, et de contribuer à une meilleure acceptation et compréhension de soi et des autres. Les systèmes d’apprentissage mis en place et qui s’adaptent aux personnes diagnostiquées sont un moyen pour elles de pallier leurs difficultés, mais les empêchent aussi, peut-être, de développer leurs propres particularités cognitives issues de leur fonctionnement différent. Comment prendre en compte la singularité de chaque être humain dans une tentative d’uniformisation qui semble essentielle et nécessaire au bien-être humain ?