Être humain à l’époque des neurosciences et de l’intelligence artificielle implique d’explorer soigneusement les nœuds de complexité où des idées valables sont néanmoins en tension, manifestant des subtilités et des défis qu’il ne faut pas négliger. Chaque page exprime la ou les tensions existantes entre des idées et dans chaque thème, apparues dans les discussions collectives, et sont ensuite complétées par un éclairage des chercheurs du réseau NHNAI.
Complexité sur la démocratie n°5 : L’enjeu des capacités souveraines en matière d’IA (pour le développement économique)
Image générée par IA
Les participants du Kenya ont exprimé leur vif espoir que l’IA puisse améliorer la condition des plus vulnérables et des exclus. Toutefois, ils s’inquiètent également du manque de ressources et de capacités souveraines, ainsi que des vulnérabilités en termes de culture et d’accès aux technologies. Ils soulignent le risque de dépendance technologique et de colonisation, ce qui implique également que le développement de l’IA dans leur pays pourrait ne pas conduire au développement économique local.
Eclairages par les chercheurs :
Le discours dominant est, bien sûr, celui qui encourage le développement technologique en Afrique et conduit ainsi le continent sur la voie que nous avons tracée d’une mathesis universalis. Comme l’explique Franck Kié, commissaire général du Forum Cyber Africa :
» C’est en répondant à ces questions clés que l’Afrique et ses 54 États pourront relever le défi de faire de leur transformation numérique et de la pleine adoption de l’intelligence artificielle un véritable levier de croissance, pour devenir le continent numérique des décennies à venir. Certains pays sont déjà à l’avant-garde sur ce sujet, les autres doivent suivre. Nous en avons les moyens, nous en avons la volonté : mettons-nous au travail ! Cyber Africanum est ! »[1]
Un autre rapport intéressant sur ce sujet d’un point de vue optimiste (non critique) : https://cpccaf.org/ia-quel-impact-sur-lafrique/
Pour un compte rendu plus nuancé et plus critique, voir :
Kouassi Touffouo Frederic PIRA, « Vulgarisation des théories d’adoption et d’appropriation des innovations technologiques pour une intelligence artificielle africaine », Communication, technologies et développement [En ligne], 11 | 2022, mis en ligne le 15 février 2022, consulté le 29 juin 2024. URL : http://journals.openedition.org/ctd/6809 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.6809
plus critiques sont les mots de l’expert sénégalais Seydina Moussa Ndiaye :
« Pour moi, la plus grande menace est la colonisation. Nous risquons de nous retrouver avec de grandes multinationales de l’IA imposant leurs solutions sur le continent, sans laisser de place à la création de solutions locales. La plupart des données actuellement générées en Afrique appartiennent à des multinationales dont l’infrastructure est développée en dehors du continent, où opèrent également la plupart des experts africains en IA. Il s’agit d’une perte de talents africains. (…) L’Afrique pourrait être utilisée comme cobaye pour tester de nouvelles solutions, ce qui serait une grande, grande menace pour le continent. »[2]
[1] https://www.jean-jaures.org/publication/cyber-africanum-est-les-enjeux-de-lintelligence-artificielle-et-de-la-cybersecurite-en-afrique/
[2] https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/janvier-2024/interview-un-expert-en-ia-met-en-garde-contre-la-colonisation-num%C3%A9rique-en